reflexions

Saṃskāra et vāsanā

Les habitudes et les traces d’expériences

texte rédigé pour la rubrique « Les mots du yoga » de la revue Le courrier de l’ IFYMP

L’habitude, le conditionnement. C’est en ces termes que l’on traduit généralement saṃskāra. Ce mot signifie littéralement quelque chose qui est très bien (sam) fait (kr), réalisé, parfaitement réussi. On considère souvent ce terme dans un sens négatif, mais étymologiquement ce n’est pas forcément une mauvaise habitude, un conditionnement néfaste.

Saṃskāra représente la relation qui se crée entre notre nature profonde et quelque chose d’extérieur à nous et qui nous amène à mettre en place des schémas de comportement pour nous adapter au monde extérieur. Ce n’est pas fondamentalement une attitude négative car ce sont souvent ces habitudes qui nous permettent d’être dans la vie, de pouvoir exécuter des actes sans être encombré par la réalisation de ces actes (comme conduire une voiture sans effort de concentration par exemple).

Un autre concept est très lié à saṃskāra, c’est vāsanā. Dans vāsanā, il y a la racine «vas» qui signifie habiter. vāsanā représente les traces que laissent en nous les expériences que nous vivons. Ils sont extrêmement utiles car ils nous permettent de nous situer dans le monde. Ça peut être par exemple une odeur qui nous rappelle une situation de notre passé, une couleur qui nous évoque une personne. Saṃskāra se construit sur vāsanā.

Le côté enfermant, sclérosant de saṃskāra est évoqué dans le sûtra II­15 où il est cité comme l’une des causes de la souffrance (dukha). Il s’agit alors d’un conditionnement qui emprisonne dans un certain type de comportement que nous allons reproduire de façon stéréotypée face à des situations similaires à celle qui a créé le saṃskāra. Ce comportement provoque de la souffrance car nous n’avons pas la liberté nécessaire pour voir autrement la situation et pour changer de comportement.

Les saṃskāra sont parfois tellement ancrés en nous et les vāsanā tellement forts que nous ne les voyons pas. Ils sont profondément liés à notre incarnation. On ne peut jamais les faire disparaître car à chaque fois qu’une nouvelle situation va se présenter, on va créer de nouveaux saṃskāra.

Le yoga nous invite à trouver la liberté et à prendre le recul nécessaire pour prendre conscience de leur existence, les voir et progressivement les nettoyer en les remplaçants par de nouveaux saṃskāra (YS III­50).

Joëlle Breuil, janvier 2013